Si on doit écrire alors il faut se raconter. Il faut dire sa vérité, même si elle fait mal.
Parfois elle peut détruire, elle peut nous détruire nous, elle peut aussi détruire ce qu’on pensait être bon, être vrai, être juste. Elle peut bouleverser des montagnes et nous permettre de nous révéler. Révéler les pires mensonges, les pire secrets, les pures tromperies. Les petites choses qu’on se murmure sans y croire deviennent réelles sur le papier. Les mots qui nous tourmentent l’esprit prennent réalité lorsqu’on les voit, lorsqu’on les lit. Parce qu’ils deviennent matériels, palpables, visibles, sensibles.
Quand tu restes seul avec tes pensées, elles s’égarent, flottent autour de toi et produisent un brouhaha incessant de rancoeurs, de doutes, de joies, de peines et de solitudes. Et ce bruit tu finis par t’y habituer, par ne plus l’entendre tant il est présent, constant. Abrutissant. Comme autant de mouches qui buzzent à tes oreilles et qui t’épuisent.
Et puis tu écris. Et tes mains parlent pour toi, elles volent sur le clavier, elles ont leur vie propre, comme indépendante et elles te parlent. Elles te racontent pendant que ton cerveau est trop occupé à écouter les bruits, tes mains bougent et te crient ! :
« Ecoute écoute.. Ecoute ce que ton corps te dit.. il te parle tous les jours et tu ne l’entends pas. Quand tu as mal au ventre, quand tu es crispé, quand tu te réveilles la nuit avec les mêmes rêves, avec les mêmes peurs, les mêmes insomnies, quand tes doigts hurlent et courent sur le clavier de mots que tu n’as jamais sortir des méandres de ta pensée. Ton corps te parle, écoute le, entend le. Aime le. Respecte le. Respecte tes douleurs, tes vomissements. C’est parce que tu ne t’écoutes pas que ton corps se rebelle. Il lui reste quoi après la dernière soirée où tu t’es rempli de haine et de dégoût pour toi ou pour les autres ? »
Alors je suis là, avec mes pensées, mes souvenirs, mes doigts et j’essaie.
J’essaie de reproduire ces phases cathartiques où mon corps parle pour moi, j’essaie de produire plutôt que détruire. Et encore et encore je m’accroche à ces moments où je sais que l’autodestruction ne peut plus être la solution. Et qu’il faut parler. Parler. Parler. Ecrire Ecrire. Raconter.
Mais raconter quoi ? Pour se dire quoi ? Pour régler quoi ? Comment ? Pourquoi?
Je suis fatigué d’essayer, d’être ou de créer le lien entre les autres. Je ne suis même pas mon propre escabeau comment puis-je prétendre être un pont ? Soutenir le poids des autres m’est tout simplement impossible.
Mon corps est un poids immense, alourdi de tant d’années de violences, de coercition, de force et d’abus. On me parle de relations amoureuses, de tisser des liens. Mais il faudrait déjà que je me supporte. Que je puisse me porter. Et je refuse de faire chanceler une personne sous le poids de mes douleurs. Je prefère être seul et apprendre à connaître la personne que je suis devenue.
Je parle souvent avec mon placard. J’ai toujours parlé avec. Il est toujours là, comme une immense armoire toujours dans mon dos derrière moi, glaçante et énorme. Attachée à mon corps par une corde et montée sur roulettes, jamais elle ne me quitte. Alors il faut continuer et ne pas se retourner, oublier le placard, l’armoire familiale et tous ses squelettes.